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deux hypothèses, ces deux imaginations, font sensiblement même figure dans le monde. Ce sont deux sœurs qui se chamaillent, mais ce sont deux sœurs, également disgraciées.

Ces deux hypothèses, ces deux imaginations aboutissent ensemble et également au mot dont eux-mêmes ils sont gonflés, au mot qui à chaque fois leur emplit la cavité buccale : que chaque métaphysique précédente est dépassée par la métaphysique suivante.

Il n’y a, malheureusement pour eux, rien dans la réalité qui corresponde à un dépassement de métaphysiques. Les grandes métaphysiques humaines, antiques, modernes, chrétiennes, mythologiques même et plus ou moins mythiques, ne sont aucunement les termes ni d’une série discontinue ni d’une série continue. Car elles ne sont les termes d’aucune série linéaire. Elles ne sont point des termes qui s’annulent ou qui se nourrissent, au moins en ce sens, et qui se dépassent les uns les autres. Elles ne sont ni des écus qui s’empilent, inertes, ni les grains d’un chapelet, ni les grains, perles, d’un collier, ni les chaînons d’une chaîne, ni même les mailles d’un filet. Elles ne sont pas non plus les bornes kilométriques (hectométriques pour les petites métaphysiques, les métaphysiques minores) d’une sorte de route, de ruban de route linéaire qui serait la route départementale de la métaphysique de l’humanité.

Je mets route nationale pour donner à cette thèse sa plus haute expression. Et il y aurait même plusieurs ou une route internationale. Mais les grandes métaphysiques ne veulent aucunement être les jalons d’aucune route. Elles ne se veulent prêter à aucun dépassement