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exagérations des hypocrites ou des fous, c’était se déclarer l’ennemi de la constitution. Ni une longue réputation de patriotisme, ni des principes publics dont on ne pouvait s’écarter sans déshonneur, ne mettaient à l’abri de ces calomnies. Il est nécessaire cependant de connaître enfin ses amis et ses ennemis : c’est dans cette vue que l’on propose aux amis de la patrie la signature volontaire de la déclaration suivante.

La première partie a pour objet de reconnaître ceux qui ne sont pas entrés dans tous ces projets d’établir en France une demi-liberté, en y faisant de la corruption le ressort secret d’une constitution compliquée et de rendre la confiance des citoyens à ceux qu’on a faussement accusés. La seconde servirait à distinguer ceux des anciens nobles qui veulent réellement l’égalité. La troisième séparerait les ecclésiastiques dont la raison est pure et qui tiennent à leurs préjugés par conscience, de ceux qui y tiennent par intérêt et dont le fanatisme a (mot illisible) la raison.

Il me paraît que tout homme qui signera volontairement cette déclaration se séparera par cet acte seul de tout parti opposé à la liberté et ne pourrait plus s’y réunir sans se déshonorer dans ce parti même et c’est un avantage que les engagements libres ont sur les serments forcés.

Je déclare que je ne regarde comme légitimes et vraiment obligatoires, que les constitutions où les hommes naissent avec une entière égalité de leurs droits naturels, où, par une Déclaration solennelle des droits, les pouvoirs établis par la société et pour elle ont reconnu les limites de leur autorité comme celles de l’obéissance que les individus doivent à la volonté publique, où la constitution a été formée par des représentants du peuple élus par ses suffrages et chargés par lui de cette fonction, où un corps unique de représentants de la nation toujours subsistant, exerce avec indépendance de tout autre autorité le droit de faire des lois et d’établir les contributions nécessaires au maintien de la sûreté publique, sans qu’aucun autre pouvoir, sans qu’aucune forme de délibération puisse, au delà d’un temps déterminé, empêcher l’exercice d’aucun de ces droits. Et parmi les constitutions représentatives, je ne regarde comme obligatoires que celles où une assemblée unique de représentants a également, à un temps marqué, le droit de changer les formes de la constitution, sans que cette constitution puisse être regardée comme irrévocable, ni aucun pouvoir comme indépendant de la volonté du peuple exprimée par lui-même ou par ses représentants.

En conséquence, je me soumets librement à la constitution française, parce qu’elle réunit dans son ensemble les trois conditions nécessaires à une constitution légitime, et qu’elle a été faite par une assemblée que la nation n’a pu charger de rétablir et d’assurer sa liberté, sans lui conférer en même temps le pouvoir de former une constitution nouvelle.