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fréquenté les musulmans, avoir pâli des nuits entières sur les manuscrits, pour apprécier ce qu’un pareil travail a exigé de patience et de savoir. M. Perron avait reçu du gouvernement français le mandat honorable de traduire Sid-Khalil ; il ne pouvait, sans dépasser les limites de ce mandat, traduire les commentaires de chaque texte. Il est vrai qu’il donne sur les passages les plus obscurs quelques explications puisées dans le commentaire de Sid-Krarchi ; mais que de doutes restent à lever, que de lacunes à combler, en présence de textes laconiques, susceptibles de plusieurs interprétations dont chaque passage est une règle supposant la connaissance de principes qui n’existent dans ces textes qu’à l’état de propositions implicites ! Qu’est-ce d’ailleurs que l’opinion d’un auteur, en présence d’opinions contraires, aussi respectables que la sienne, et qu’il nous importerait de connaître toutes dans leurs divergences, pour les comparer, et choisir celles que nous avons intérêt à faire accepter par les populations arabes, qui se conformeraient aux décisions d’un jurisconsulte recommandé par nous, avec autant de facilité qu’ils se conforment à celles de Sid-Khalil ?

Supposons que les Arabes, à notre place, aient fait traduire le Code Napoléon ; est-ce que cette traduction, même accompagnée de quelques annotations judiciaires, pourrait leur donner une idée exacte du droit français ? Il est impossible de le croire, quand on voit presque chacun des articles de nos codes fournir matière à plusieurs volumes de commentaires.

Il faut donc le reconnaître : la traduction du livre de Sid-Khalil n’aurait pu nous présenter un tableau complet de l’ensemble du droit musulman malékite qu’à la condition de n’être pas séparée de la traduction de tous les commentaires, ou du moins, de celle du commentaire le plus en renom sur cet auteur.

Il y a plus : des erreurs étaient inévitables dans un travail aussi difficile ; il y en a eu de commises. Je suis loin de les reprocher à M. Perron, mais elles prouvent que l’ouvrage d’un seul, si recommandable qu’il soit, resté sans contrôle et sans contradiction, peut nous jeter dans une fausse route et retarder l’accomplissement de notre œuvre civilisatrice.