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III


Edmée, jusqu’à la mort de sa mère, n’avait été qu’une enfant heureuse. — Dans son milieu, elle n’avait vu que des visages souriants ; elle était mignonne, vive, drôlette ; une enfant est « sans conséquence ». On l’invitait donc, çà et là, aux fêtes enfantines qui se donnaient dans la ville. Habituellement elle jouait avec les enfants du préfet. Quant à la mère, on s’en inquiétait peu. Elle eût été la plus correcte des bourgeoises qu’on ne s’en fût pas inquiété davantage dans le monde, la situation administrative et pécuniaire de son mari ne lui permettant pas d’y paraître. Cette exclusion n’était donc pas une injure ; et ni Cora, ni son mari, ni sa fille n’en souffraient.

La première fois qu’Edmée entendit une parole qui lui fit sentir l’infériorité de sa situation, ce fut chez sa tante. L’épanouissement enfantin de la petite fille s’arrêta court. Au lieu de dire librement et spontanément ce qu’elle sentait, elle se contint, préoccupée d’abord de ce que sa tante voulait qu’elle pensât, craintive, défiante d’elle-même et des autres. Mais l’exubérance de sa nature avait besoin de se donner carrière. Alors, quand elle pouvait s’échapper dans la campagne, elle s’en donnait à cœur joie. Courant à perdre haleine dans les chemins, grimpant aux arbres pour dénicher des oiseaux comme un garçon, jouant avec les paysans, les paysannes, sans