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Tels étaient les projets et les espérances de la famille, vers la fin de la Restauration. Malheureusement, Armand avait l’âge des passions, un cœur naïf, l’inexpérience absolue de la vie. En menant la vie d’étudiant, il vit, rencontra, aima mademoiselle Cora Mendilla.

C’était une petite actrice, jouant la comédie à Bobino faute d’avoir pu entrer comme danseuse à l’Opéra, comme chanteuse dans les chœurs aux Italiens, comme comédienne à l’Odéon. Une vieille mère l’accompagnait partout. Sans être jolie, Cora avait du feu, de l’éclat, de l’imprévu, je ne sais quoi, qui pipait les amoureux. D’ailleurs elle paraissait sage. Comment ces deux femmes pouvaient-elles vivre avec les maigres appointements payés par le théâtre Bobino ? C’était un problème ! mais point absolument insoluble cependant, car la vieille était un prodige d’économie et prétendait avoir quelques ressources personnelles ; d’ailleurs la fille touchait des appointements relativement élevés – soixante francs par mois, je crois ! – parce qu’elle était fort goûtée du public de Bobino.

D’où venaient ces deux femmes ? Autre problème plus ardu que le précédent. On les disait espagnoles ici, et là, créoles ; ailleurs marseillaises, ou gitanas, ou bien parisiennes, de quelque faubourg.

Toujours est-il que cette petite Cora était singulière ; sans être ni chanteuse, ni danseuse, ni comédienne, elle chantait agréablement et avec esprit ; elle dansait une danse irrégulière et pittoresque ; elle jouait le drame ou la farce avec des éclats soudains et inattendus qui enlevaient les applaudissements du parterre. Bref, n’ayant point d’amoureux que l’on sût, elle devint à la mode dans le quartier Latin. Quelques jeunes gens firent, sans succès, des folies relatives, pour l’obtenir. La tête d’Armand le Dam d’Anjault se monta.