Page:Cadiot - Revoltee.pdf/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dieu ! peut-être le vice… Il y a des nécessités qui s’imposent, mon frère ! Et ces nécessités-là deviennent quelquefois des devoirs sociaux.

– Ainsi, selon vous, mon devoir serait de sacrifier Edmée ?

– Sacrifier ! – Les hommes, en vérité, ont de ces mots qu’on devrait laisser à la porte des salons et jeter hors des causeries honnêtes de la famille. C’est dans les coulisses que vous prenez ces mots-là ! Est-ce qu’une chaste et candide jeune fille, est-ce qu’une fille bien née est sacrifiée parce qu’elle devient l’ange du sanctuaire, l’épouse du Seigneur ? Combien donc de vos tantes et de vos cousines ont été sacrifiées depuis les croisades ? Car nous faisons les preuves de 1399 dans notre famille ! et nous voyons des chanoinesses de Remiremont sur notre arbre généalogique. Allons donc ! Armand, votre chétive place de bureaucrate vous aurait-elle donné de ces sottes idées bourgeoises que Rousseau, Diderot et d’Alembert ont semées dans le monde ? Ah ! si vous ou moi avions une situation en rapport avec notre rang, il y aurait encore quelque chose à tenter : ce serait de marier Edmée avec quelque vieux gentilhomme veuf et assez riche pour lui laisser un petit douaire, de lui préparer mon sort, en un mot ; mais ce n’est pas à Clérac que je la marierai, ni à Paris, où je reste à peine trois mois chaque année. Vous savez d’ailleurs que je ne pourrais qu’avec des efforts inouïs la produire dans le monde. Enfin, pour tenter cet impossible, il faudrait une jeune fille de tête, ayant le sentiment des devoirs que sa naissance lui impose ; et Edmée, si elle est votre fille, est aussi celle de sa mère… Déjà cela ne se sent que trop à mille choses ; et, quant à moi, ce ne serait pas avec une fille d’actrice que je me risquerais à courir cette aventure.

– Mais, Clémence, vous avez tort de penser du mal