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Madame Manoquet fut obligée d’intimer aux domestiques l’ordre de garder le silence sur le dérangement d’esprit de leur maître. La position devint intolérable. C’était donc dans une angoise impossible à décrire, que la pauvre femme attendait son mari le soir où il était sorti avec le maire. Mais, quand elle vit les heures s’écouler sans que Manoquet reparût, son inquiétude ne connut plus de bornes. Elle fit coucher sa fille et tous ses domestiques et attendit, en se promenant dans la cour, le moment d’ouvrir la porte au criminel poursuivi par les furies. L’honneur de sa fille et de sa maison en danger, la vie et la fortune de son mari menacées par la loi, avaient fait une héroïne de cette bourgeoise, futile et faible devant la fortune et le succès.

Elle avait à peine eu le temps de refermer la grille, que Manoquet, fou, tremblant, les yeux hagards s’élançait dans sa chambre et se jetait sur son lit.

— Qu’y a-t-il ? mon Dieu ! s’écria-t-elle.

— Tout est perdu ! murmura le malheureux avec un râle qui semblait celui de l’agonie.

— Expliquez-vous, expliquez-vous… qu’avez-vous fait, qu’avez-vous dit ?

— Je meurs…

— Au nom du ciel !

— Ils m’ont mené au Café… au Café de la Mairie, tout tapissé de glaces, comprends-tu ?… Je l’ai vu… partout… dans tous les coins… sous toutes les faces… jouant quand je jouais… parlant quand je parlais, bu-