de se trahir, et sentait en même temps qu’elle ne pouvait dominer les élans de son cœur ; Louis n’avait plus besoin de parler de son amour, il le voyait compris et partagé peut-être.
À longs intervalles, il faisait quelques réflexions sur les fleurs qu’il tenait. Jeanne répondait. Quelquefois elle se piquait les doigts aux tiges des rosiers. Louis lui reprenait les roses, et lui donnait en échange des marguerites et des chrysanthèmes.
Les vases furent longs à se remplir de fleurs ; tant qu’on put en faire tenir, on en mit ; enfin, la dernière potiche s’emplit, et il ne resta plus, sur la table, que les débris. Machinalement Louis les ramassait, les réunissait en bouquet, taillant les tiges avec son couteau de chasse, enlevant les feuilles mortes et les fleurs flétries. Jeanne ramenait les débris en tas avec ses mains, comme pour nettoyer la table, et, poignée à poignée, elle les jetait au feu. Quand il n’y en eut plus par poignées, elle les jeta feuille à feuille, pétale à pétale.
Minuit sonna. Elle compta les coups.
— Minuit !… est-ce possible ! s’écria-t-elle.
— Minuit !… répéta Louis en liant rapidement son bouquet. Adieu… bonsoir, Jeanne.
— Bonsoir, Louis… Bon voyage…
Il lui prit la main et y déposa un long baiser. Elle ne la retira pas ; mais elle saisit vivement la lampe.
— Allons, dit-elle, ne vous attardez pas davantage !
Elle le reconduisit jusqu’à la porte et appela Myon.