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gnaient de rompre le charme, et de compromettre leur bonheur par un mot vif ou imprudent.

Comment le cœur de Jeanne, si longtemps sevré de tendresse, aurait-il résisté à ces effluves d’amour ? Elle aimait, à son tour, avec un enthousiasme et une violence dont elle ne se serait jamais crue capable.

Parfois, elle avait peur de cette passion qui lui donnait le vertige ; mais elle l’enfermait en elle-même comme en une forteresse, et en savourait secrètement les délices.

Louis devinait le sens du silence prolongé de Jeanne. Il se sentait aimé. Peu à peu son enthousiasme l’enlevait au delà de ce monde. Il lui semblait voyager à travers des pays fantastiques dont il ne voulait pas prévoir les limites. Son cœur se dilatait dans la joie. Il vivait comme jamais il n’avait vécu. La nuit était belle, mais sombre, parce que la lune ne paraissait pas encore ; la lumière des étoiles aidait à peine à distinguer la route. Abandonnés à eux-mêmes, les chevaux avaient pris, à travers les landes, un sentier moins direct que le chemin communal. Ils allaient au pas, la tête basse, mordant, çà et là, les branches qui barraient le sentier, ou les hautes touffes de genêts. Leurs pas, amortis par le gazon court et moelleux des landes, ne s’entendaient point. Le chant du grillon et la note mélancolique que la reinette lance à intervalles égaux troublaient seuls le silence. Jeanne et Louis cheminaient sans voir et en laissant flotter les rênes sur le cou des chevaux. Ils