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val, oui, je veux garder dans mon cœur ce rêve d’amour ! Jamais je n’épouserai Louis… c’est impossible ! … Je ne me marierai point… N’étais-je pas déjà presque religieuse ?… Mais, tandis que j’éteindrai en lui cette ardente et juvénile tendresse… tandis que je le verrai s’attacher à une autre… oui ! je veux qu’il se marie et qu’il soit heureux ; tandis que je vieillirai solitaire… je réchaufferai en moi cet amour généreux et pur : ce sera la consolation, la joie, la vie. Quand je me sentirai bien seule, bien triste, je regarderai au fond de ma pensée cette image chérie !… mon cœur battra de joie à la nouvelle de ses succès… car Louis sera célèbre un jour ! Il a devant lui un bel avenir ! Il est appelé à briller à Paris, et non à s’enterrer ici dans un fond de province ! Dès le lendemain de son départ, Louis avait envoyé de Limoges un luthier qui examina le clavecin et entreprit de le réparer. Le curé, qui ne passait point de jour sans venir faire une visite à mademoiselle de Mauguet, surveillait avec amour cette réparation qui demandait beaucoup de temps. M. Margerie allait rejoindre Jeanne, souvent à travers champs, pour l’aider de ses conseils et voir comment se faisait l’ouvrage.

Un soir, il amena sa femme que Jeanne ne connaissait pas encore. C’était une bonne personne, un peu grasse, un peu rouge, mais fort entendue aux soins du ménage et aux cultures potagères. Elle appartenait à une ancienne famille bourgeoise de Limoges, une