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bestiaux sur un domaine, et jamais assez de bras, Jeanne apporta une activité fiévreuse à toutes ces informations et à toutes ces courses. Elle voulut que l’on se mît immédiatement à l’œuvre, et, trois ou quatre jours après sa visite aux colons, les travaux avaient pris une activité inaccoutumée.

Poussée par l’envie de voir son entreprise réussir, par l’espoir de triompher des obstacles et de montrer à son frère une propriété en meilleur état qu’elle ne l’avait trouvée, peut-être aussi par ce besoin d’activité qui dévore les riches natures, lorsqu’elles sont surexcitées par l’amour, Jeanne ne quittait pas les travaux. Toujours à cheval, elle allait d’une métairie à l’autre, surveillant elle-même les mercenaires, tandis que les métayers travaillaient de leur côté.

Plusieurs jours se passèrent ainsi sans événements marquants. Jeanne croyait avoir pris son parti au sujet de l’amour de Louis. À force d’y penser sans cesse, le matin, le soir, et pendant ses courses, elle s’était de plus en plus convaincue qu’elle arriverait à calmer en même temps la passion du jeune homme et celle qui s’était éveillée dans son propre cœur. C’est pourquoi, se croyant sûre d’elle-même, elle s’accordait sans remords la permission de songer à Louis, de l’aimer en silence, et se donnait la joie de s’enfermer en elle-même, pour y goûter en secret le bonheur d’être aimée.

— Oui, se disait-elle, en cheminant seule à travers les landes, la tête inclinée vers la crinière de son che-