fixés vers la terre, elle oubliait les réalités de la vie eu interrogeant avec épouvante l’abîme de son cœur. Jamais Jeanne n’avait été aimée.
Tout à coup l’amour de Louis passa devant son imagination comme un éblouissant mirage. Des horizons inconnus s’ouvrirent devant elle.
La vie lui apparut.
Jusqu’alors elle s’était toujours vue derrière une grille, le front voilé et les mains jointes, ou, vieille fille, conduisant ses neveux à la messe de Saint-Jouvent ; elle venait de s’entrevoir un instant, jeune, belle, libre au grand soleil, appuyée sur le bras d’un mari aimé, berçant sur ses genoux des enfants à elle…
Et, depuis cette vision rapide, elle ne pouvait retrouver la paix. Toutes ses résolutions étaient inutiles. Tous les raisonnements qu’elle employait pour se convaincre de folie n’arrêtaient pas une seconde les pulsations rapides de son cœur.
Elle serait restée jusqu’à la nuit, peut-être, à recevoir la pluie, si Myon, inquiète de sa disparition prolongée pendant l’orage, n’était venue la chercher avec un vaste parapluie.
La voix de la femme de charge rappela Jeanne au sentiment du présent.
— Bon Dieu ! mademoiselle, que faites-vous là, par un temps pareil ? s’écria-t-elle. En vérité, vous êtes toute trempée ! La pluie traverse les feuilles depuis longtemps-, d’autant plus qu’il n’en reste guère…