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— Pardon… mais c’est que je me souviens, voyez-vous, je me souviens, comme d’hier, de l’orgueil du vicomte ! hélas !… Croyez-vous, par exemple, qu’il donnerait la main de sa sœur à un honnête et brave bourgeois comme moi, quand bien même le pauvre garçon apporterait en dot des trésors de dévouement ?

Louis avait dit cette dernière phrase d’une voix brève et émue. Jeanne devint extrêmement rouge, et le docteur balbutia péniblement quelques mots embarrassés.

Heureusement qu’on était arrivé à la porte du château. Jeanne courut en avant et disparut un instant. M. Margerie et Louis Thonnerel allèrent l’attendre dans la salle à manger, car midi sonnait et le dîner était servi.

Le repas fut silencieux. Chacun paraissait plongé dans des pensées graves.

Louis sentait qu’il venait, par un mot, de changer sa position vis-à-vis de Jeanne ; son cœur battait violemment. D’une part il éprouvait une sorte de soulagement, en se disant qu’il avait enfin osé parler ; de l’autre, une crainte douloureuse, en songeant au résultat possible de sa démarche. La passion profonde qui s’était lentement enracinée en lui anéantissait, à cette heure, toutes ses facultés. Il avait peur devant Jeanne. Ne venait-il pas, en effet, de jouer le tout pour le tout ? Car, si mademoiselle de Mauguet ne l’accueillait pas comme prétendant, sans doute elle allait le tenir à distance et lui reprendre, peu à peu,