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Un nuage passa sur le front de Jeanne. Déjà cette idée s’était présentée à son esprit, et y avait jeté l’inquiétude.

— J’espère, dit-elle, que mon frère comprendra…

— Votre frère ! s’écria Louis avec une véhémence étrange, votre frère !…

— Eh bien ! qu’avez-vous, mon cher Louis ? depuis une heure, je vous croyais à cent lieues de nous ! Vous sembliez plus absorbé que le docteur ne l’était hier au soir, et voilà que vous rentrez dans la conversation comme un coup de tonnerre.

— Pardon, reprit Louis, mais… mais pouvez-vous espérer que le vicomte Raoul admettra jamais les nouvelles lois et les nouveaux usages ? Ne connaissez-vous plus le caractère entier et intraitable de votre frère ?

— Les années donnent de l’expérience, mon ami, surtout lorsqu’elles s’écoulent en exil.

— Vous croyez ? Mais non ! la souffrance aigrit, au contraire, ces caractères violents. Et comment voulez-vous que le vicomte Raoul ne traite pas Maillot de voleur, en lui voyant ensemencer vos terres ou chasser dans vos garennes ?

— Nous ferons tout ce qu’il sera possible, ses amis et moi, pour lui apprendre la résignation et la modération, et après… Que voulez-vous, mon cher Louis, à la grâce de Dieu !

— À quoi bon mettre l’avenir au pis ? reprit le docteur. Louis, vous chagrinez inutilement notre amie !