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sant pour les petites filles du village, ou leur enseignant à lire ! Et les acacias !… Ne vous souvenez-vous pas comme leurs fleurs blanches tombaient en neige odorante au mois de juin, comme l’air s’embaumait de leur senteur ? Je cueillais des grappes pour les mettre dans les vases du salon. Une fois même j’en enfilai des fleurs ; je vous en fis un collier et des bracelets… Oh ! ne vous souvenez-vous pas ? ne vous souvenez-vous plus de rien ?…

Jeanne ne répondit pas. Elle s’était assise sur le gazon, et, la tête appuyée sur sa main, elle regardait, en rêvant, son château aux murailles grises, aux toits couverts de mousse, et ce grand bois séculaire qui jetait ses feuilles au vent. Plus bas, vers la gauche, elle regarda aussi les acacias qui cachaient à demi le clocher de Saint-Jouvent. Chacun de ces arbres était pour elle un vieil ami, et les paroles de Louis ne trouvaient que trop d’écho dans son cœur. Mais, en même temps, son esprit juste et ferme appréciait le conseil du docteur Margerie. Elle savait qu’un avis de lui ne venait qu’après de longues réflexions. Évidemment, ces magnifiques arbres représentaient une grande valeur. Jusqu’alors, elle les avait admirés ; de ce moment, elle les évalua ; mais ce fut avec un serrement de cœur. Louis s’attrista de voir que Jeanne ne se révoltait pas, dès l’abord, contre la proposition du docteur. Il s’éloigna de quelques pas, fronça les sourcils, et revint en face d’elle.

— Est-ce que vous donnerez l’ordre d’abattre ces