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Jeanne ne répondit pas cette fois. Elle se sentit embarrassée. Mais le curé, qui rêvait toujours à sa musique, reprit :

— Que dit-on de la musique allemande, maintenant, à Paris ? On ne s’occupe guère des opéras et des oratorios de Haendel et de Haydn, n’est-ce pas ? Les Parisiens ne doivent pas aimer cela. Mais qu’est-ce donc que Mozart ? Dans nos provinces arriérées, on connaît à peine son nom. Vous, mademoiselle, qui arrivez de Paris et qui avez vécu dans un monde intelligent, instruit, artiste, vous devez avoir entendu de sa musique. Est-ce bien beau ?

— Mon cher abbé, vous allez me traiter de barbare, et vous aurez tort. Je ne connais pas la musique de Mozart. À peine en ai-je entendu quelques motifs, et je n’ai pas eu le temps de la juger. Voyez-vous, Paris, pendant ces dernières années, offrait à l’esprit de si singuliers spectacles que les beaux-arts ne l’occupaient guère. J’ai entendu des opéras de Lesueur, de Méhul, de Chérubini, mais comme en courant. Je regardais passer la révolution, et j’avais assez à faire.

— Je comprends cela ! s’écria le docteur Margerie ; pour mon compte, j’aurais fait comme vous. Au milieu du sang et des ruines, que d’idées ont été remuées, pendant ces huit années ! Que d’horizons nouveaux se sont ouverts ! Que de personnalités remarquables ont surgi de la foule ! Vous avez vu Robespierre et Danton, Tallien et Barras ; vous avez vu Bonaparte s’élever et grandir. Vous avez entendu