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la pauvreté de votre paroisse ne vous permet pas d’en espérer un avant de longues années.

— Je chanterai, j’apprendrai à chanter à mes enfants de chœur… et puis, si mademoiselle Jeanne veut bien faire restaurer son clavecin… ici… quelquefois… je jouerai avec elle.

Le jeune prêtre, ordinairement d’un caractère ferme et énergique, devenait d’une timidité singulière dès qu’il parlait musique. Sa parole si nette s’embarrassait, il devenait rouge et baissait les yeux. Il éprouvait comme le remords et la honte d’une passion coupable. Mademoiselle de Mauguet ne put s’empêcher de sourire en lui promettant de faire mettre le vieux clavecin dans le meilleur état possible.

— Quelles impressions m’ont laissées certains airs que vous chantiez autrefois ensemble ! s’écria Louis Thonnerel, auquel la conversation venait de rappeler de radieux jours d’enfance, bien souvent évoqués depuis quinze ans. Je me souviens comme si c’était d’hier…

Louis ferma les yeux et se passa la main sur le front.

— Votre mère est là, dit-il d’une voix saccadée, brève, interrompue par des silences rapides ; je la vois, avec ses cheveux déjà blancs et ses yeux bleus et doux. Elle tisonne le feu, assise dans cette même bergère que vous occupez à cette heure. Le chevalier et le vicomte jouent aux dames. Sylvain Aubert est au clavecin. Vous chantez un air d’Armide que