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Ni le docteur, ni Louis, ne songèrent à lui offrir le bras pour rentrer au salon. M. Margerie était retombé dans ses réflexions, et Louis devenait presque triste. Il semblait trouver dans l’enthousiasme de Jeanne comme le pressentiment d’un malheur.

Le silence régna pendant quelques instants. Mais l’abbé Aubert ne put s’empêcher de retourner au clavecin et de faire courir ses doigts sur les touches. Il sortit un son si discordant, que tout le monde fut comme réveillé en sursaut.

— Allons, prenez un peu de patience, mon ami, s’écria Jeanne, avec un éclat de rire qui rappela Louis et le docteur au sentiment des choses présentes. Vous pouvez être sûr que les réparations de Mauguet commenceront par celles de votre clavecin !

— Avez-vous travaillé la musique pendant ces années d’épreuves ? demanda l’abbé ; moi, je me suis consolé dans mes plus cruelles douleurs avec un vieil orgue, oublié dans un couvent des faubourgs de Poitiers. Le couvent était désert et séparé par de vastes jardins des dernières maisons de la ville. J’y allais le soir en longeant, les bords du Clain. De peur d’attirer l’attention des passants, je me privais de lumière et je mettais toutes les sourdines. Moi seul je jouissais de mes concerts. J’ai passé quelquefois des nuits entières devant cet orgue. Tantôt je me jouais et je me chantais à moi-même, et du mieux, que je pouvais, des oratorios complets avec toutes leurs parties. Tantôt je répétais pendant des heures la même