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étaient blanchis à la chaux, du haut en bas. Mais pendant le long abandon du manoir, la mousse et le salpêtre les avaient marbrés de taches grises et verdâtres. Deux hauts dressoirs de chêne, uni et noir comme celui des poutres, une armoire pareille, se rangeaient autour des murs. Sur les dressoirs on voyait, çà et là, quelques pots d’étain damasquinés et quelques plats de faïence à fleurs. La cheminée, au vaste manteau, ouvrait un large foyer au-devant des convives. Elle était en pierre et peinte en blanc comme les murailles. Au-dessus du manteau, des bois de cerfs, cloués symétriquement, soutenaient de vieilles armes de chasse rouillées ; et, plus haut que les armes, au sommet du cône qui terminait l’auvent de la cheminée, un Christ d’ivoire sur une croix d’ébène semblait présider comme un vieil ami aux repas de la famille.

On reconnaissait bien là l’intérieur austère de cette vieille noblesse de province qui n’avait jamais quitté son castel pour aller chercher fortune à la cour ; qui ne savait rien du luxe de Versailles, mais qui ne croyait point encore, lorsque 93 vint l’éveiller en sursaut, que les gentilshommes français pussent courber l’échine devant les financiers et les favorites ; cette noblesse dont on ne parlait pas sur les gazettes enfin, mais dont les parchemins authentiques auraient facilement fourni les preuves de 1399, s’il s’était agi de monter dans les carrosses du roi.

Après quelques instants d’un silence gros de pen-