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Ces quatre personnages sont réunis dans le vieux salon aux murs duquel pendent de nouveaux portraits, entre ceux des aïeux et ceux des survivants. D’abord celui du docteur Margerie, que nous y avons vu déjà ; puis, celui du vicomte Charles, à la suite de ceux des chefs de la famille, et après une place vide, où manquait le portrait de son père, mort en émigration,

Myon elle-même, la servante dévouée, tenait une modeste place dans cette galerie des souvenirs. On distinguait dans un coin, à l’angle de la cheminée, son profil carré surmonté de son majestueux bonnet à créneaux : N’avait-elle pas, elle aussi, travaillé à l’œuvre commune ?

C’était le soir encore ; car cette part du cycle quotidien semble le moment réservé aux épanchements intimes. Le curé tournait les feuillets d’un livre ; Jeanne filait ; Marguerite, les mains jointes, la tête renversée en arrière, promenait autour d’elle des yeux sans regards et voilés de larmes ; le vieux conseiller d’État rêvait le front dans ses mains.

Ils ne parlaient pas alors, mais semblaient absorbés dans une pensée commune, malgré la diversité de leurs attitudes. Dans les corridors, des bruits inusités se faisaient entendre ; c’étaient des allées et venues de domestiques, qui se parlaient et se transmettaient des ordres, des heurtements de meubles ou de malles contre les murs. Les deux femmes écoutaient, et, à chaque nouveau bruit, un léger frémissement faisait