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Madame Margerie n’a pas tardé à rejoindre son mari. Le vicomte a été emporté, il y a quelques mois, par une attaque d’apoplexie ; enfin, Myon est morte de vieillesse l’année précédente.

Jeanne, malgré ses soixante-quinze ans, se porte bien encore, et tient fièrement sa belle tête, encadrée de coiffes blanches, sous ses voiles de deuil, marquée de rides puissantes, et animée de la flamme de l’intelligence. Marguerite, maigre, pâle d’une pâleur mate comme celle du vieil ivoire, la taille courbée, les membres agités par le tremblement qui ne l’a point quittée depuis sa maladie, semble plus cassée que sa tante. On dirait une morte, si une ardente vie ne s’était réfugiée dans ses yeux. L’abbé Aubert est perclus de rhumatismes ; ses infirmités l’empêchent depuis quelques années d’exercer le saint ministère, et il s’est retiré à Mauguet où les soins affectueux de sa vieille amie adoucissent ses maux. Un jeune pasteur gouverne la paroisse de Saint-Jouvent.

M. Thonnerel s’est aussi retiré à Mauguet. La vieillesse l’a rendu indifférent à toutes les grandeurs de ce monde. Il a voulu revenir achever sa vie dans ce coin de terre où elle avait commencé, c’est-à-dire où son cœur plaçait ses premiers souvenirs. N’était-ce pas sous ce toit, d’ailleurs, que se rassemblait encore tout ce qu’il avait aimé ici-bas, sa famille par le cœur ? Aux derniers jours de la vie, on éprouve le besoin de se rapprocher des vieilles affections comme d’un foyer, contre le froid extérieur qui envahit tout.