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elle l’aima de cet amour suprême que ressentent les grand’mères, plus encore que les mères ; car, il faut avoir jugé la vie, et n’en attendre plus rien, pour l’éprouver dans toute sa plénitude. Mais quelle passion alors !… quelle passion que celle qui résume et contient toutes les autres !

On n’aime vraiment bien qu’après avoir passé à la rude école de la douleur, ou qu’après avoir expérimenté le vide de toutes choses ici-bas. Quelle différence entre l’amour maternel d’une jeune femme de dix-huit ans et celui d’une femme de trente-cinq ! L’une s’étonne et s’amuse de la maternité ; elle joue, pour ainsi dire, avec son enfant, comme elle jouait avec sa poupée quelques années auparavant ; mais, à côté du plaisir qu’elle éprouve à le voir sourire, il y a la vanité de lui mettre un joli bonnet ; toutes les illusions, toutes les espérances vagues et souriantes de la jeunesse habitent dans son cœur avec les joies et les peines de la maternité.

L’autre, au contraire, aime son enfant comme la religieuse qui a dit adieu à toutes les affections mondaines aime son Dieu. Rien ne subsiste plus en elle à côté de cette petite créature dans laquelle une femme désabusée sent revivre sa jeunesse, sa beauté, ses illusions perdues…

— Voyez-vous, ma tante, disait, après quelques années, Marguerite de Mauguet à cette noble et forte Jeanne qui était devenue pour elle l’amie la plus tendre, — voyez-vous, quand je me souviens de l’affec-