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veu. L’enfant aima sa mère de toute sa tendresse quand Jeanne eut développé, dans son jeune cœur, tous les bons et nobles sentiments qui s’y trouvaient en germe. Quelquefois, lorsque la vicomtesse pleurait, il lui grimpait sur les genoux, et l’embrassait sans rien dire, buvant les larmes qui coulaient sur ce triste visage, avec ses petites lèvres roses ; ou bien, il s’asseyait sur le tabouret où elle posait les pieds, et la regardait de ce regard limpide, compatissant et interrogateur qu’ont les petits enfants pour ceux qu’ils aiment et qui soutirent, et il restait là jusqu’à ce que sa mère le vît, s’éveillât pour ainsi dire d’une douloureuse léthargie, et lui tendît les bras.

Alors, Marguerite frissonnait, puis souriait ; ses yeux, qui semblaient morts au milieu de sa figure amaigrie et pâle d’une pâleur de cire, s’illuminaient d’une rapide flamme. Elle s’étonnait de sentir que son cœur vivait encore.

Sur les débris de sa passion foudroyée s’éleva enfin pour ce petit être, qui lui devait la vie, un étrange et ardent amour. Jusqu’alors elle l’avait aimé, sans doute, mais de cette affection instinctive que la nature met au cœur de toutes les mères et qui a quelque chose de physique ; c’est-à-dire que, lorsqu’elle le voyait souffrir, ses douleurs lui retentissaient aux entrailles. Maintenant, elle l’aima de toutes ses espérances trompées, de toutes ses passions terrassées, de tous ses rêves évanouis. Elle l’aima comme on aime ce qui vous a fait souffrir, lorsqu’on ne le hait pas ;