Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/317

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Thonnerel et Jeanne regagnaient leurs chambres.

Elle respira, délivrée d’une première terreur, et recommença une nouvelle attente… une de ces attentes suprêmes et terribles, pendant lesquelles nulle appréciation humaine ne peut mesurer le temps, parce que les conditions ordinaires de la vie sont suspendues ; que le sang bat dans les artères avec une vitesse double ; que la pensée marche dans le cerveau comme les rouages d’une horloge sans balancier, et fournit, en dix minutes, le travail d’une heure.

Nul bruit, nul signal ne venait suspendre sa fièvre ; et pourtant l’anxiété avait décuplé la puissance de ses sens ; elle eût distingué le plus léger froissement du feuillage, et les pas les plus assourdis.

Deux heures sonnèrent.

« N’est-ce donc point pour cette nuit ? » se dit-elle avec des alternatives de soulagement et d’effroi…

Tantôt elle souhaitait qu’il ne vînt pas, tantôt elle l’appelait avec des trépidations d’impatience. La lune envoyait toujours par les fenêtres ses grandes nappes de lumière argentée ; les gouttes d’eau qui suintaient à travers les rochers tombaient dans l’étang, avec une régularité monotone ; et Marguerite restait seule, immobile dans sa bergère, ne sachant plus si elle vivait en ce monde, ou si elle s’agitait au delà, dans une atmosphère embrasée, où combattaient des démons inconnus.

Enfin, une clef tourna doucement dans la serrure de la porte du cabinet de toilette ; Marguerite entendit