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qu’elle réfléchissait froidement à sa situation ; et maintenant, elle courait au-devant du déshonneur public !

« Aujourd’hui, se disait-elle, je suis encore la mère et l’épouse entourée de respect ; j’ai pour moi toutes les lois et toutes les garanties sociales ; demain, je ne serai plus qu’une femme perdue… une de ces pauvres créatures vouées à toutes les insultes, livrées à toutes les tyrannies, parce qu’elles sont en dehors des lois, et que le code qui les régit n’a pour base que le droit du plus fort ! »

Son orgueil patricien se révoltait à ces pensées. Elle ne pouvait y croire et se demandait si elle ne marchait pas à travers un épouvantable cauchemar. Cependant une fatalité irrésistible la poussait en avant, dans la voie de perdition. Depuis la veille, les catastrophes s’étaient multipliées et avaient rendu sa situation intolérable.

Si son orgueil se cabrait à l’idée de devenir une femme déchue, il se cabrait plus encore à l’idée de subir les reproches de sa famille, de se trouver devant Jeanne et le curé dans l’attitude d’une coupable. Affronter leur blâme lui semblait plus cruel que d’affronter le mépris du monde entier. Et puis, Maillot ne tenait-il pas son secret, n’était-il pas le maître de sa réputation ?

« Je suis bien perdue, pensait la malheureuse femme. À quoi bon me débattre encore ? Et qui sait, d’ailleurs, dans le cas où j’essayerais de rester dans la maison de mon mari, si l’on ne m’en chasserait pas