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qu’elle avait donné, elle ne vivait plus. Nulle résolution ne pouvait triompher de l’ouragan soulevé dans son cœur par toutes les passions déchaînées.

Le vicomte seul, et Pierre, restaient insouciants ; mais ni les efforts du premier, ni les jeux bruyants du second, ne parvenaient à ranimer la joie dans les cœurs ; les félicitations adressées à Jeanne étaient forcées, les projets d’avenir qu’elle faisait entrevoir ne trouvaient point d’écho. Cependant l’abbé Aubert et Louis cherchaient de tout leur pouvoir à dissimuler leur peine. Ils auraient voulu, malgré tout, faire cette soirée belle comme un jour de triomphe, et ne trouvaient point de paroles pour exprimer le bonheur.

Myon égaya un peu le souper par son bavardage important ; l’enfant avec ses petites saillies empêcha la conversation de s’éteindre tout à fait, mais ces surexcitations factices devenaient pénibles aux âmes tourmentées et, quand l’heure de la retraite eut sonné, elles se sentirent soulagées du poids d’une lourde contrainte.

En s’agenouillant pour la prière, Marguerite se dit qu’elle allait pour la dernière fois, sans doute, prendre part à un des actes communs de la famille. Son cœur se serra malgré la sauvage énergie de sa résolution. Il lui sembla qu’elle n’eût point voulu être entraînée ainsi par la fatalité. La veille encore, elle était si loin de prendre le parti terrible de quitter son fils et son mari pour fuir avec son amant ! Alors, l’idée du déshonneur, secret même, lui faisait horreur lors-