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qui tombait, que j’ai remplacé par l’abondance la plus triste misère, la misère de la noblesse qui n’a ni terres ni récoltes, et qui cache son blason sous un manteau troué ; que j’ai préparé pour d’autres les joies intimes dont je me suis privée. Je veux sentir enfin le bonheur qui vaut tous les sacrifices, car je ne sais pas pourquoi, — la vieillesse a de ces heures pénibles ! — mais j’ai besoin d’être heureuse aujourd’hui !

Elle sonna ; une servante parut.

— Dites à Myon de faire mettre le service des jours de fête et des fleurs sur la table. — Cette brave Myon m’a bien aidée dans mon œuvre, mes enfants, reprit-elle. Je veux qu’elle ait sa place à ce souper d’anniversaire. Le permettez-vous, Marguerite ?

— Ma tante ? s’écria madame de Mauguet comme éveillée en sursaut par cette question.

— Je vous demande si vous permettez que Myon soupe ce soir à notre table.

— Certainement… tout ce que vous voudrez, ma tante !

— Eh bien ! dites encore à Myon de mettre un couvert de plus.

Personne, jusqu’alors, n’avait pris garde à M. de Rouvré, et cet oubli semblait une manière de lui faire entendre combien sa présence était déplacée en ce moment. Il se leva pour prendre congé. D’ailleurs, il emportait le consentement de Marguerite, et n’avait plus rien à attendre dans cet intérieur où il se sentait mal à l’aise. En y demeurant jusque-là, il s’était suffisam-