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Il se tint à l’écart, près de la porte, pour pouvoir jeter un mot à madame de Mauguet lorsqu’elle rentrerait.

Pierre arriva le premier, en courant. Il se jeta impétueusement dans les bras de sa grand’tante, tandis que sa mère le suivait à pas lents et s’approchait du groupe, pâle, roide comme une statue, et les yeux allumés du feu sombre de la haine.

Elle demeura en arrière, comme si l’empressement de son fils, de son mari et de ses amis l’avait empêchée de parvenir jusqu’à Jeanne, mais, en réalité, parce qu’elle ne pouvait ni triompher de la révolte de son cœur, ni affronter les regards profondément interrogateurs de Louis et de l’abbé Aubert. On eût dit, à la voir ainsi debout dans la pénombre projetée par l’abat-jour de la lampe, un sinistre et menaçant fantôme.

Tout à coup elle sentit près de son épaule un froissement léger ; et, à son oreille, une voix bien connue, une voix toute-puissante murmura, si bas qu’elle devina les mots plutôt qu’elle ne les entendit :

« La connais-tu, cette contrée où les citronniers fleurissent ?… »

Elle se retourna par un mouvement automatique, et répondit plus bas encore :

— Eh bien !… quand vous voudrez…

Ces paroles une fois tombées de ses lèvres, elle eut horreur d’elle-même et quitta la place, pour s’éloigner franchement du groupe de la famille. Elle s’assit près