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La noble et sereine figure de mademoiselle de Mauguet était ce soir-là rêveuse et attristée. Jeanne ne se rendait pas compte de la cause du danger et de la gravité de la situation ; mais elle sentait le malheur planer sur sa maison, et elle attendait dans l’angoisse.

La petite assemblée, qu’agitaient de si grandes douleurs et de si menaçantes passions, demeura longtemps silencieuse. Le vicomte et madame Margerie, seuls, causaient, car ils ne savaient rien du redoutable drame qui couvait sous ce silence.

Louis Thonnerel, enfin, sortit de sa préoccupation douloureuse pour dire à Jeanne :

— Voici aujourd’hui vingt-six ans, mademoiselle, que nous inaugurions ensemble votre rentrée à Mauguet. Bien des événements ont surgi depuis lors… bien des sentiments se sont modifiés dans nos cœurs, avec les années… mais le pur lien d’amitié qui nous unissait est devenu encore plus puissant…

— Nous étions quatre, alors, autour d’un foyer dévasté…, reprit Jeanne ; aujourd’hui nous sommes six, continua-t-elle en enveloppant Louis, le vicomte, le curé, Marguerite et madame Margerie, dans un seul regard qui séparait Emmanuel de la famille mieux qu’un mur d’enceinte. Nous sommes sept, même, en comptant l’enfant auquel appartient l’avenir… et pourtant il manque parmi nous un des représentants du passé.

La voix de Jeanne faiblit, à cette allusion à la mort