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— Est-ce à l’homme ou au prêtre que je dois demander compte ?…

— Au prêtre ! interrompit Sylvain Aubert, et le prêtre ne rend des comptes qu’à Dieu.

M. Thonnerel avait-il encore vu ou deviné quelque chose ? Les amants ne le purent savoir, lorsqu’ils tournèrent leurs yeux de ce côté ; car le vieux conseiller d’État tenait le journal, et semblait s’absorber dans la lecture du premier article.

Mais ils sentirent, par une rapide intuition, que leur sort était en ce moment entre les mains de deux personnes qui ne pouvaient ni ne devaient se taire, que l’heure critique sonnait, et qu’un terrible orage, qui s’amoncelait lentement dans l’air autour d’eux, allait éclater sur leurs têtes.

M. de Rouvré, dont le parti était pris, et qui avait du courage, demeura malgré l’heure avancée, s’assit entre Marguerite et mademoiselle de Mauguet, s’empara d’un journal comme le conseiller d’État, et attendit.

Pour Marguerite, jamais elle n’avait aimé son amant comme à cette heure. Elle éprouvait des transports jusqu’alors inconnus, et s’enflammait de toute la haine qui s’élevait dans son cœur contre ses gardiens. Elle aurait voulu les braver, en criant tout haut son amour. Et puis, elle éprouvait des soifs inextinguibles de fuir avec Emmanuel, non plus pour ne pas souiller le toit conjugal, mais pour se livrer sans entraves aux vertiges de la passion.