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boyante, qui gardait l’entrée du paradis terrestre… »

Elle tremblait, non de crainte, mais de fureur. Heureusement, M. Thonnerel ne lui dit alors que des choses indifférentes. S’il eût fait une seule question, s’il eût prononcé un mot imprudent, Marguerite aurait laissé éclater son orgueil et sa colère dans une épouvantable sortie.

Cependant, tandis qu’Emmanuel roulait fiévreusement entre ses doigts le billet qu’il lui destinait, elle cherchait aussi, de tout son pouvoir, le moyen de lui remettre celui qu’elle avait écrit en rentrant. La lutte n’était pas égale entre leurs deux volontés unies dans le même but, et la volonté isolée du conseiller d’État, qu’aucune autre ne soutenait. À force de persévérance, les amants devaient arriver à se joindre une seconde… Mais quand ?…

La promenade se prolongeait, et toujours M. Thonnerel maintenait Marguerite à distance du groupe où se trouvait Emmanuel. Enfin mademoiselle de Mauguet dit qu’elle avait froid, et l’on regagna le château.

Dès qu’on fut arrivé sur la terrasse, la vicomtesse dégagea énergiquement son bras de l’étreinte de M. Thonnerel, et s’élança dans le salon. M. de Rouvré y entra en même temps, et leurs mains se rencontrèrent dans un choc rapide ; seulement, comme chacune d’elles tenait un billet, et que l’officier seul s’attendait à en recevoir un, il y eut dans l’échange un manque de précision. Un des billets tomba, et ni Emmanuel, ni Marguerite ne s’en aperçurent, car on entrait sur