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troduisit une demande reconventionnelle de partage avec l’État. Au premier abord, son bon droit paraissait évident ; d’après la loi républicaine même, sa cause semblait toute gagnée. Cependant, mille difficultés la compliquaient. Ainsi, la plupart des terres étaient vendues. De plus, la fortune des vicomtes de Mauguet était grevée de dettes considérables. En émigrant, le vicomte actuel, frère aîné de Jeanne, avait encore augmenté les dettes en empruntant sur ses biens. Les droits de mademoiselle de Mauguet étaient donc devenus, en fait, presque illusoires.

Dès son arrivée à Limoges, elle reçut la visite de Louis Thonnerel. Comme nous l’avons dit, l’enfant de douze ans, qu’elle avait perdu de vue depuis son entrée au couvent de Beaulieu, ne tenait pas grande place dans ses souvenirs. Elle le reconnut à peine.

Louis, au contraire, éprouva une émotion inexprimable en la revoyant. Le changement de la jeune fille à la femme était moins grand que celui de l’enfant à l’homme. Pour lui, Jeanne semblait la même qu’autrefois. C’était cette même taille élancée et noble, ce même sourire de bonté, ce même regard limpide et profond. Seulement, le malheur et le courage la plaçaient comme sur un piédestal. Elle avait grandi.

Dans la mémoire de l’écolier, l’image de mademoiselle de Mauguet resta comme une poétique vision. Mais, au lieu de s’effacer avec les années, et de devenir indécise et vague en s’enfonçant dans le brouillard du passé, elle s’était avivée, tous les ans,