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guerite, dont la confusion devint si grande, qu’elle s’évanouit en effet ; mais ce fut une défaillance bientôt vaincue. Jeanne et le vicomte s’empressèrent auprès d’elle, et cet empressement, qui lui faisait horreur, la rendit à elle-même. Tout à coup, elle bondit hors de son fauteuil en s’écriant :

— Laissez-moi !

Puis elle reprit d’une voix plus contenue :

— J’ai besoin d’air, cela passera.

Et elle s’enfuit au jardin, en repoussant son mari qui voulait la suivre.

Cet incident rapide et singulier jeta l’étonnement et la consternation dans le petit cercle. Les uns, madame Margerie et le vicomte, n’y comprirent rien, et crurent sincèrement à une subite indisposition de la vicomtesse ; les autres, Jeanne et le curé, furent pris d’un serrement de cœur comme à l’approche d’un malheur. Ils savaient lire, d’ailleurs, sur le visage de leur vieil ami, et, sans une cause grave, ils n’y eussent pas vu une altération si grande.

Quant à l’officier, il jouait en ce moment un difficile personnage. D’une part, il sentait que sa présence était inopportune pour tout le monde, et semblait une bravade vis-à-vis de M. Thonnerel ; de l’autre, il ne pouvait quitter la place sans donner plus d’importance à cette scène de famille, sans avouer, pour ainsi dire, ce qu’il espérait encore dissimuler à force d’audace ; sans paraître enfin fuir lâchement devant une explication.