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guerite à elle-même, en lui lançant des regards éloquents. Ces regards se perdirent dans le vide, jusqu’à ce que, par hasard, M. Thonnerel, ayant tourné la tête du côté de l’officier, en surprît un plus clair, plus précis, plus impératif encore que les autres.

Il eut un éblouissement. Juste en ce moment, la vicomtesse leva les yeux, comme réveillée en sursaut par le jet de volonté que son amant dirigeait sur elle. Ces trois coups d’œil s’échangèrent, se heurtèrent, se comprirent en un quart de seconde. Pas un mot ne fut prononcé et tout fut dit.

Quel moment pour ces cœurs pleins de passion, d’orgueil et de douleur !… Le conseiller d’État, qui causait avec Jeanne et le vicomte, sentit la parole expirer sur ses lèvres. Marguerite devint plus rouge que le vin qui brillait dans son verre, puis pâle comme une morte ; M. de Rouvré, lui aussi, devint pâle, mais, plus fort que sa maîtresse, et moins frappé que le vieil ami de la famille, il reprit vite son empire sur lui-même.

— Qu’avez-vous donc, mon ami ? demanda mademoiselle de Mauguet, surprise du brusque silence de Louis Thonnerel.

— Rien… rien…, balbutia le conseiller d’État, plus troublé que les coupables ; je croyais… il m’a semblé que la vicomtesse se trouvait mal ; — et vous, monsieur de Rouvré, ne trouvez-vous pas que madame de Mauguet paraît souffrante ?

Tout le monde, soudain, tourna les yeux vers Mar-