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« J’ai eu tort de laisser échapper Maillot, se dit-il d’abord. Il fallait écraser cette bête venimeuse… mais comment ?… Il ne voulait pas se battre et je ne pouvais pas le tuer sur place !… Peut-être, après tout, n’aura-t-il pas reconnu Marguerite… Elle était si bien enveloppée !… Peut-être ne parlera-t-il pas… car il a dû comprendre qu’il paierait cher un mot imprudent ! Eh ! d’ailleurs, qu’importe ? bien d’autres obstacles nous séparent… bien d’autres dangers nous menacent… Ce témoin mort, un autre surgirait, puis un autre encore !… et, bientôt, avant que j’aie pu triompher de ses derniers scrupules peut-être, on me l’enlèvera pour toujours !… Non ! la vie en ce pays est impossible !… »

Sans but précis encore, sans parti-pris décisif, M. de Rouvré retourna chez lui, mit de l’ordre à ses affaires, brûla quelques billets de la vicomtesse, boucla une valise et demanda un congé au général. Puis il écrivit aussi un billet pour le remettre à sa maîtresse, dans le cas où il ne pourrait lui parler.

« Un espion nous a surpris, disait-il ; c’est Maillot. Tenez-vous sur vos gardes. Niez tout, si l’on vous interrogeait. Je ne puis donc me hasarder à venir la nuit… à moins que ce ne soit pour une démarche dernière ; il faut savoir oser ou s’attendre à être trahis et séparés… — M’aimes-tu, Marguerite ? m’aimes-tu plus que tout ?… — dis oui, et nous serons l’un à l’autre pour toujours. »

Ce billet écrit et plié fin, il demanda son cheval et