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Voilà comment Maillot, furieux d’avoir trouvé en face de sa première attaque l’implacable riposte de l’officier, s’arrangea pour arriver chez lui, juste à la sortie des vêpres, de façon à pouvoir lancer sa flèche empoisonnée dans le cœur de la vicomtesse.

Cependant M. de Rouvré ne se faisait pas d’illusions sur la gravité des choses. En même temps qu’il sentait sa passion atteindre son paroxysme, à force d’obstacles et de désirs réprimés, il comprenait qu’il ne la pourrait jamais satisfaire, parce que les habitudes de la province, et les petits usages, et les grandes vertus, et les haines envieuses, gardaient son trésor mieux que n’aurait pu faire le dragon du jardin des Hespérides. Ces impossibilités, ces menaces, ces dangers l’exaspéraient. Il désirait Marguerite de toutes les forces de sa volonté. Ce n’était plus seulement une maîtresse qu’il lui fallait : c’était une victoire ! Et, renoncer à madame de Mauguet, par nécessité, avant que de l’avoir conquise, indignait la vaillance de l’officier, comme aurait pu faire une retraite honteuse devant une ville assiégée.

Jamais, non plus, il n’avait aimé d’un amour qui ressemblât à celui que lui inspirait cette femme ardente, impétueuse, innocente encore, qui croyait à ses devoirs en les sacrifiant, et cédait à la passion, comme à l’enfer, le cœur bourrelé de honte et de remords. À tout prix, il voulait la posséder, s’en enivrer, s’en rassasier, en épuisant avec elle la coupe des voluptés humaines.