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passer aucune sans lui donner quoique marque d’intérêt. À celui-là, elle demandait des nouvelles de son père aveugle ; à celle-ci, elle faisait compliment de son dernier né. Souvent ces colloques se prolongeaient pendant quelques instants, et les paysans cheminaient de conserve avec Jeanne et Louis Thonnerel. Le vicomte aussi et madame Margerie étaient accostés de temps à autre. On donnait à l’un quelques renseignements sur le gibier et les chevaux, on adressait à l’autre quelques bonnes paroles de compassion respectueuse. Pierre de Mauguet, qui avait été avec sa tante dans toutes les chaumières, rencontrait à chaque détour des amis empressés qui lui payaient en tendresses le respect et l’admiration mérités par la vieille châtelaine. Marguerite seule ne connaissait personne et ne recevait d’autre hommage qu’un salut cérémonieux.

Que lui importait cette indifférence ? Elle ne la remarquait même pas, car jamais elle ne s’était occupée d’en triompher, et elle rendait en échange une indifférence plus superbe encore. Et puis, son cœur troublé par les plus orageuses passions s’intéressait peu au spectacle de cette paix villageoise, de ces émotions douces et profondes. À travers les paysages tranquilles et recueillis du Limousin, elle entrevoyait d’autres horizons ; et, en dehors des liens qui unissaient comme en une seule famille Jeanne de Mauguet avec ses amis et les paysans d’alentour, elle savait des passions ardentes et folles qui remplissent le cœur d’ivresses