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travers les tourbillons du vertige dans des régions enchantées de bonheur et d’amour, ou la précipitant au fond des géhennes infernales.

Ce matin-là, à force d’avoir creusé toutes les suppositions, elle restait comme frappée de stupeur, et s’abandonnait en fermant les yeux à la fatalité. C’est ainsi qu’elle partit pour la messe, à la suite des autres, et sans prendre garde à qui marchait à côté d’elle.

On sortit de la cour, on descendit la montée, qui semblait un pont entre les deux étangs, et l’on gagna le chemin vicinal. Jeanne et Louis passaient devant en se donnant le bras. La veuve du docteur suivait avec Pierre. Marguerite allait seule, tenant d’une main son livre, de l’autre son ombrelle, accompagnant d’un œil distrait la marche de ceux qui la précédaient, et prêtant l’oreille, pour surprendre quelque indice dans la conversation des domestiques, qui se répandaient sur les côtés de la route.

— Laissez-moi vous donner le bras, Marguerite, s’écria tout à coup, à côté d’elle, le vicomte qui rejoignait le petit cortége.

Elle tressaillit, et se retourna avec une expression d’effroi, comme si ces paroles avaient été le prélude d’une explication terrible. Cependant, en voyant son mari calme et sans préoccupation apparente, elle lui laissa prendre son bras qui tremblait.

— Quel beau dimanche ! dit-il ; regardez, Marguerite ! les châtaigniers ont encore toutes leurs feuilles,