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que les passions républicaines avaient entraîné, mais qui savait reconnaître et respecter, au milieu des divergences politiques, le sentiment de la vraie grandeur.

Son nom n’était point inconnu à Jeanne. Elle se souvenait de l’avoir entendu prononcer, dans son enfance, par son père et par son oncle. Elle osa donc aller voir M. de Brives, et se proposer à lui pour devenir l’institutrice de sa fille.

— Monsieur, lui dit-elle, nos opinions sont aujourd’hui bien différentes, nos routes s’écartent chaque jour davantage ; cependant, nous avons un point de départ commun. Je ne ferai jamais de votre fille une républicaine, mais j’en ferai une bonne et honnête femme, si Dieu veut m’y aider.

L’étrangeté de la proposition n’offensa pas M. de Brives. Il comprit la noblesse réelle de cette démarche et la grandeur de ce caractère qui ne s’abaissait point au mensonge.

Sans cesse appelé d’un point de la France à l’autre, obligé de prendre part à toutes les luttes politiques, il ne pouvait pas veiller sur l’éducation de sa fille. Il lui fallait donc, d’abord et surtout, avoir près d’elle une personne respectable et sûre ; c’est pourquoi il accepta l’offre de Jeanne.

Mademoiselle de Mauguet était bien jeune encore, mais le malheur mûrit. Elle avait acquis pendant le temps qu’elle venait de passer dans le monde, en butte à la misère et aux persécutions, une rapide expérience des choses de la vie. En même temps, elle