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d’un joug insupportable, et, par moment, tremblait autant d’impatience que de terreur.

Parfois elle s’approchait de ses fenêtres et plongeait les yeux dans cet étang profond, où se reflétait le ciel empourpré d’une belle matinée d’automne, avec l’idée d’y mourir pour mettre fin à ses angoisses. Mais cette idée traversait son âme sans s’y arrêter. Elle était à un de ces moments où l’on ne renonce pas à la vie, parce que cette vie nous tient encore en réserve trop de secrets et trop de jouissances. En dépit des mensonges qu’elle arrangeait pour tromper sa conscience, elle voulait le savourer, ce fruit défendu de l’amour, si vermeil et si amer.

Tandis que le soleil montait à l’horizon, les cloches, lancées à toute volée, faisaient retentir les échos de la campagne. Ce jour-là était un dimanche. Marguerite n’y songeait plus. Les Matines qui sonnaient le lui rappelèrent.

Elle se vêtit à la hâte, car on déjeunait de meilleure heure pour aller à la messe, et mademoiselle de Mauguet veillait elle-même à ce qu’on ne s’attardât pas.

Enfin il arriva, ce moment terrible, où il fallut franchir le seuil de sa chambre, et quitter l’asile qui la protégeait encore contre la juste indignation d’un juge ou la menace d’un persécuteur. Elle était prête, et tenait à la main son livre d’heures, mais ne pouvait se résoudre à faire un pas dehors. Ce fut son fils qui vint la chercher en riant et en sautant. Elle le suivit