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Une mort qui vient rompre un faisceau d’amitiés, c’est comme une scission qui partage les époques de la vie. On date les événements de cette mort comme d’une hégire. Pour Jeanne, l’abbé Aubert et le conseiller d’État, ils avaient jusqu’alors compté en partant du retour à Mauguet ; désormais, cette ère était close, et ils en commençaient une autre.

Une autre, plus sombre, qui n’aurait pas pour compagne la jeunesse et l’espérance ; plus courte aussi, car vingt-cinq années ne s’écouleraient pas, avant qu’un nouveau vide ne se fît entre eux.

Ils se regardaient en songeant à cela, et, lorsqu’ils se demandaient qui partirait le premier, une larme leur tombait sur le cœur.

Quinze jours s’écoulèrent dans la solitude et la retraite absolue. C’était pour la veuve et les vieux amis la première étape des regrets. Pour Marguerite, c’était la fin du chagrin et le commencement de la mélancolie. Elle songeait à son amant qu’elle n’avait pas vu depuis si longtemps, et se disait : — Que fait-il ?… Où s’écoulent ses journées ?… ses nuits ?… Il m’oublie peut-être…

De son côté, l’officier ne supportait qu’avec peine ces nombreux jours d’exil. Enfin, il risqua une visite de condoléance qui fut courte et ne lui donna pas moyen d’échanger, même un signe, avec sa maîtresse.

Cette vie ne pouvait durer. Tandis que M. de Rouvré n’osait rien entreprendre de peur de heurter les délicatesses de Marguerite, celle-ci commençait à trou-