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Une nuit qu’il devait venir, la pluie tombait à torrents. Elle l’attendait à sa fenêtre, le cœur frémissant de désirs inavoués et de vagues terreurs, les yeux plongés dans le ciel noir, ou abaissés vers l’étang plus sombre encore, sur lequel clapotaient, avec une régularité monotone, les larges gouttes d’eau. De temps en temps, elle sursautait comme si un léger bruit lui eût annoncé l’arrivée de cet amant adoré, puis, elle se prenait à le craindre autant qu’à l’espérer.

— Il ne viendra pas par cet orage, se répétait-elle ; et cependant elle demeurait debout, la main sur l’espagnolette de la fenêtre, l’oreille tendue, l’œil fixe.

Il apparut tout à coup ruisselant de pluie.

— Comment, c’est vous ! par ce temps, et en cet état ?…

— Ne comptiez-vous pas sur moi ? dit-il, en indiquant du regard la fenêtre ouverte et la mante et le capuchon dont Marguerite était enveloppée.

Elle rougit.

— Qu’eussiez-vous pensé si je n’étais pas venu ? reprit-il en escaladant la fenêtre.

Dès qu’il fut entré, elle la referma précipitamment, tremblante d’amour et de honte.

Il était donc là, seul avec elle, au milieu de la nuit, et dans cette chambre où elle avait tant rêvé de lui !… « Ton heure est venue, malheureuse affolée, » disait en elle une voix sévère et puissante qui lui semblait celle d’un juge inexorable : « Roule au fond de l’abîme dont tu as cherché le bord ! »