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à ses préoccupations intérieures en s’abandonnant à quelque occupation machinale. Le docteur continuait à jeter des bourrées dans la cheminée. Mademoiselle de Mauguet, les mains jointes sur ses genoux, regardait flamber le feu. L’abbé Aubert feuilletait le Génie du christianisme. Louis Thonnerel parcourait vaguement des yeux un article de Fontanes dans le Journal des Débats, tandis que ses rêves chevauchaient à travers l’espace.

Bientôt le feu, sans cesse alimenté, répandit une chaleur réparatrice dans le salon. Mademoiselle de Mauguet rejeta sa pelisse sur le dossier de sa bergère et se leva, pour éviter la trop vive impression de la flamme.

Elle était grande, et sa taille avait une singulière élégance. Elle portait une robe de soie puce très-simple, et un fichu de tulle blanc croisé sur la poitrine, à la façon de Marie-Antoinette. Ses cheveux châtains et abondants étaient sans poudre et se massaient en boucles sur le front. Elle avait les sourcils noirs très-purement dessinés, ce qui est un signe de volonté et de commandement. Ses yeux bruns exprimaient l’intelligence et la bonté. Son nez, aux narines bien ouvertes, aux fins contours, était légèrement busqué. Sa bouche, un peu grande, montrait les plus belles dents du monde. Mais le trait le plus expressif de la physionomie de mademoiselle de Mauguet, c’étaient les lèvres. Ces lèvres, rouges et grassement modelées, avaient une indéfinissable expression de noblesse et de bonté.