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Tout en cheminant, M. de Rouvré s’impatientait de ne point voir d’issue à cette situation. Il tournait, retournait dans le cercle des impossibilités, comme les lions enchaînés dans leur gage. — Ainsi, se disait-il, quand bien même elle serait rendue, quand bien même je n’aurais plus à vaincre près d’elle un seul scrupule, je ne pourrais encore profiter de mon triomphe ! Ce n’est pas assez que d’arriver à tromper un mari, des amis, une maison tout entière, il faut que je parvienne à me cacher aux yeux des bergers, des laboureurs, des vagabonds !

Il était encore en proie à cette préoccupation dans l’après-midi, tout en lisant le journal au café de la place Royale. Autour de lui, d’autres officiers et des bourgeois, citadins ou campagnards, parlaient politique et jouaient : le cliquetis des verres, des dominos et des queues de billard frappant sur les billes, accompagnait les voix. Mais M. de Rouvré n’entendait pas plus les conversations qu’il ne suivait le sens des diatribes de la Quotidienne. Cependant, à une interpellation personnelle qui lui fut adressée, il leva la tête et tout à coup sa physionomie, assez sombre, s’éclaira du plus aimable sourire.

L’appel qui venait de le tirer de sa rêverie était celui d’un vieux capitaine qui prenait un grog à une table voisine, avec un bourgeois cossu, haut en couleur et assez bruyant. La face rubiconde de cet important monsieur parut en cet instant à Emmanuel l’image vivante de la Providence. Il avait reconnu le fils