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à la même place, en vous appelant par la pensée… C’était surtout quand vous ne veniez pas… Quand je vous attendais avec la fièvre, n’osant vous attirer ni d’une parole ni d’un regard… Ah ! Emmanuel, reprit-elle avec un accent de profonde mélancolie, pourquoi ces choses et non pas d’autres ?… Pourquoi ne m’avez-vous pas aimée alors que j’étais libre… nous serions époux aujourd’hui, au lieu d’être placés entre le crime et le malheur… Dire que nous aurions pu tous deux, si la fatalité ne nous avait pas aveuglés, vivre dans une retraite comme celle-ci… nous y plaire… nous y chérir… Moi aussi, ajouta-t-elle encore, en faisant allusion à une récente ballade d’un jeune poëte déjà illustre :

    Si je n’étais captive
    J’aimerais ce pays !…

Ils se levèrent vivement pour s’enfoncer dans les allées couvertes ; le coq venait de chanter. Marguerite avait une robe blanche qui tranchait sur le fond sombre du paysage. Elle fit rapidement quelques tours au bras de son amant. Ils échangèrent une étreinte et un baiser ; puis elle dit :

— Il faut rentrer… les domestiques vont se lever. Adieu, Emmanuel, sauvez-vous.

— À demain, dit-il.

Elle glissa derrière les haies, s’accrocha aux pierres et aux broussailles, rentra dans sa chambre par la fenêtre comme elle en était sortie, retira la chaise et