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qui s’estompait dans l’eau et les larges feuilles de nénuphar qui semblaient comme des taches sur la surface brillante de l’étang. Enfin, une reinette se mit à chanter, lançant à intervalles égaux sa note mélancolique. Ce fut comme un appel qui les tira de leur contemplation.

— Marguerite, dit Emmanuel, j’ai vu les plus beaux pays du monde, et nul ne m’a ravi comme vient de me ravir ce coin de la France où je vous ai connue. Tout à l’heure j’évoquais en imagination le radieux tableau du lac Majeur, — un éblouissant saphir enchâssé dans les Alpes, comme dans une monture d’or, de bronze et d’opale. — Eh bien ! savez-vous ce qui m’est apparu ? — Votre étang sombre avec sa bordure de grands arbres, son eau verdâtre, ses contre-forts de roches grises et moussues… C’est ici, ma bienaimée, que je vous ai vue pour la première fois… — car, vous ai-je connue, alors que j’allais au parloir des dames de Sainte-Marie ?… — C’est ici, en face de nous, sous cet acacia, que vous avez rougi en me regardant, et que je ne sais quel mystérieux avertissement nous a unis dans une même émotion.

— Retournons-y, répondit Marguerite en bondissant et en entraînant Emmanuel. Oui, moi aussi, j’aime ce site depuis que nous nous y sommes rencontrés ! Ah ! pourquoi ne pas vous dire que bien des fois, déjà, j’y ai cherché le souvenir que vous venez de rappeler ? Oui, j’ai poussé l’enfantillage jusqu’à revêtir la même robe et à passer des journées entières