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heures de vertige, et que la passion est venue, qu’elle me domine, que je suis maintenant sa proie, et qu’elle me tuera !

— Marguerite, vous me faites peur… D’où vous viennent ces idées sinistres…

— Eh ! croyez-vous que je ne sache pas les conséquences de cet amour sans avenir… J’ai des instants lucides à travers ma folie… Alors j’y vois clair… Je sonde le gouffre… J’ai trop de passion pour ne pas haïr mes devoirs… J’ai trop d’honneur pour les sacrifier jamais !… Je ne saurais pas mener une vie honteuse et troublée… Je saurais encore moins me résigner à vous perdre… Enfin ma vie entière est attachée à vous, et je sens que vous partirez un jour… bientôt peut-être… Et que, tandis que vous irez ailleurs, libre et fort, je resterai ici, brisée, folle !… Quand cette vision m’apparait, voyez-vous, il me semble que le néant s’entr’ouvre.

M. de Rouvré, à son tour, restait muet. Il avait peur de cette passion en même temps qu’il s’enivrait de l’orgueil de l’inspirer. Et puis, qu’aurait-il répondu aux craintes de sa trop clairvoyante maîtresse ?… Il devait partir un jour, en effet, et la laisser à Mauguet… À moins qu’il ne l’entrainât loin du toit conjugal… qu’il ne l’enlevât ?…

Cette idée lui apparut à l’improviste. Sans la creuser davantage, sans s’y arrêter avec bonne foi, il ne put résister au besoin de la faire miroiter aux yeux de Marguerite. Il voulait seulement se donner la su-