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moment ! Nous voilà libres… seuls… dites-moi que vous m’aimez, Marguerite !… car si je le sens intimement, si vos yeux troublés me l’ont dit mille fois, je ne l’ai pas encore entendu de vos lèvres. Parlez-moi… je veux connaître le son de votre voix quand elle prononce des paroles d’amour…

La vicomtesse ne répondit pas.

— Voyez, reprit Emmanuel, voyez, nuls regards curieux ne nous épient, nuls visages sévères ou jaloux ne se placent en face de nous, avec un air de blâme. Ils dorment tous ceux qui n’aiment pas… la nuit et la solitude nous font rois du monde…

— Oui, je vous aime ! Emmanuel, s’écria soudain Marguerite. — À quoi me servirait-il de vous faire implorer cet aveu que mon cœur, vous crie depuis trop longtemps ? je vous aime passionnément… malgré mes devoirs que je trahis, sans les méconnaître pourtant !… malgré ma raison qui me démontre la folie de cet amour !

— Et pourquoi serait-ce une folie ? Ne vous aimé-je pas, moi aussi, de toute la richesse de mon âme… Ne sentez-vous pas que je vous appartiens comme un esclave et que vous êtes la divinité puissante dont j’attends le bonheur ?

— Je sens que je suis perdue, répondit Marguerite d’une voix profonde.

— Qu’avez-vous, ma bien-aimée ?… Que craignez-vous ?… Ne croyez-vous pas en moi ?

— Je sens que j’ai appelé la passion dans mes