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garnison à venir souvent à Mauguet. Tandis que les regards curieux des femmes essayeront d’intercepter mon secret, les hommes murmureront des remarques malveillantes. Je ne pourrai pas trouver moyen d’échanger un mot avec Emmanuel, et l’on me diffamera. Quel supplice vais-je endurer !…

« Pour les femmes qui ne bornent pas leur ambition à bien réussir les confitures, la vie de province est vraiment impossible !… Une jeune fille ne songe pas assez à cela quand elle se marie. En renonçant à Paris, elle croit renoncer seulement au plaisir d’aller à l’Opéra… Elle renonce à tout ce qui fait vivre… Elle renonce à la liberté surtout, le plus grand des biens.

« Que les femmes de Paris sont heureuses ! En dépit des sujétions, il vient une heure où elles peuvent échapper à toutes les surveillances… Les places publiques de Paris sont plus solitaires que le fond de nos bois !… »

En ce moment, un grain de sable heurta la vitre d’un petit coup sec et précis comme un appel. Marguerite tressaillit et ferma instinctivement son cahier. Un second grain, puis un troisième réitérèrent le signal avec cet accent si clair et si persuasif que souvent acquièrent les bruits les plus insignifiants lorsqu’ils nous transmettent l’expression de la volonté humaine.

— C’est lui ! se dit-elle.

N’y a-t-il pas mille intonations diverses pour l’uni-