Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Peut-être cette absence de sympathie avait-elle contribué à jeter l’esprit de Marguerite en dehors du cercle de la famille, et à lui faire trouver son point d’appui dans un dangereux idéal.

Toujours est-il que la pauvre créature s’était perverti le sens moral dans l’isolement, parce qu’à son tour elle avait tenu en suspicion la bienveillance de tout le monde.

Toutefois, tant que le besoin du mystère ne s’était pas fait sentir, elle n’avait jamais songé à se trouver gênée par cette espèce de droit d’examen que Jeanne, le curé, M. et madame Margerie, et jusqu’à Myon s’arrogeaient sur sa vie, — Que lui importait ? elle n’y prenait pas garde. Mais lorsqu’il lui fallut sans cesse veiller sur ses regards, peser ses paroles, maîtriser les mouvements de son cœur de peur de se trahir, le contrôle muet de tout ce monde lui devint odieux. Chaque coup d’œil et chaque question lui parurent une insulte. Il lui sembla qu’elle était la victime du plus rigoureux esclavage, et toutes les patriarcales coutumes de la maison furent pour elle autant d’anneaux qui faisaient une formidable chaîne.

C’est ainsi qu’après une journée de contrainte, elle écrivait le 18 août :

« M. Thonnerel est arrivé aujourd’hui. Un espion de plus attaché à ma personne ! Les vacances vont amener encore ici des hôtes et des visiteurs. Tous ces gens-là épilogueront ma conduite et chercheront à savoir quel motif engage le plus brillant officier de la